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cence[1]. » Ceci, c’est la poésie mise au service, non du christianisme, mais de l’humanité qu’elle avait si souvent trahie.

Il serait peut-être plus instructif d’examiner les poëmes théologiques de Prudence, qui pénètrent jusque dans les dernières difficultés du dogme ; de chercher dans son poëme intitulé Hamartigenia,où il discute les objections élevées contre la divinité du Christ ; dans cet autre intitulé Psychomachia, où il s’occupe de l’origine du mal de chercher avec quelle hardiesse cet homme, voué jusque-là aux affaires, aux disputes du barreau, aborde les plus hautes questions de métaphysique, discute l’existence de deux principes, l’un du bien, l’autre du mal ; explique comment l’âme est capable de voir sans le secours des sens, retrace la lutte intérieure de la chair et de l’esprit. Ces vérités sont saisies et rendues avec une force qui paraît empruntée de Lucrèce, et qui rappelle le langage de l’ancien poëte philosophe de Rome ; d’autre part, à cause de la pensée chrétienne qui domine, on se croit déjà transporté dans ce paradis de Dante, où le poëte, enhardi par la présence de Béatrix, osera remuer les plus formidables questions de la théologie.

Mais Prudence est peut-être encore plus grand comme poëte lyrique. C’est dans ses deux recueils,

  1. Prudence, Contra Symmachum, II v, 1114 et seq.