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trouve très-souvent les statues anciennes couvertes d’un enduit dont on n’a pas toujours pu déterminer la qualité ; cet enduit en change la couleur. Prudence dit, en s’adressant aux sénateurs romains :

Marmora tabenti respergine tincta lavate,
proceres liceat statuas consistere puras,
Artificum magnorum opera ; haec pulcherrima nostra ;
Ornamenta fuant patrie, nec decolor usus
In vitium versae monumenta coinquinet artis[1]

On frottait les statues des dieux avec le sang des victimes : c’était une manière d’abreuver Jupiter du sang dont il avait soif. Ces vers, que je n’ai pas vu citer souvent, sont très-considérables, et j’y remarque surtout, pour moi, chez ce poëte, cette passion de l’art qui fait qu’un esprit, grand ennemi du paganisme, le paganisme une fois renversé, demande la conservation des statues, et leur ouvre, à deux battants, ces asiles que Rome prolongera et bâtira, de siècle en siècle, sous le nom de musées, pour y recevoir tous les trophées du paganisme vaincu.

Dans le second livre, il répond à ceux qui ont trouvé, dans la piété de Rome pour les faux dieux, la cause de ses. victoires. Il la cherche, lui, et la trouve dans ce dessein de la Providence, se servant des Romains pour réconcilier, discipliner, civiliser

  1. Prudence, Contra Symmach., I, 502.