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timent pour ses crimes, elle n’en était pas moins aussi digne de ménagements et de réserve ils montraient que Dieu ne l’avait frappée que pour l’avertir, et qu’il fallait maintenant la consoler. Et par le tableau de l’antique grandeur de Rome, ils saisirent et frappèrent tellement l’esprit des barbares, que l’on obtint ce résultat, exprimé d’une manière si admirable par Jornandès, quand il dit que Rome ne tenait plus le monde par les armes, mais par les imaginations. Cet empire des imaginations est souvent mille fois plus fort que l’empire des armes Rome l’a montré. Elle commençait alors une nouvelle destinée : elle fondait cette souveraineté spirituelle dont elle resta pour toujours le centre. Ceux qui avaient pris sa défense contre les invectives et le fer des barbares formèrent cercle, en quelque sorte, autour du tombeau saint Pierre, et, célébrant ce lieu comme choisi par Dieu pour être le centre des lumières, forcèrent les barbares, campés autour du Capitole, au respect et bientôt à la soumission. Ainsi se forma cette économie du moyen âge, où l’antiquité, régénérée dans Rome, éclaire et discipline la barbarie des temps nouveaux.

Voilà un des plus grands exemples de la puissance des écrits, non pas seulement sur les esprits, mais sur les événements ; voila une des plus glorieuses délégations que la Providence fait quelquefois de son pouvoir au génie des hommes.