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prenne véritablement naissance, il faut que ces trois éléments se réunissent, et que, sous les ailes du génie moderne, ils n’en forment plus qu’un seul capable de tout éclairer et de tout remplir. Mais ce n’est pas le seul mérite des hommes dont je parle d’avoir préparé les esprits qui devaient venir après eux : ils ont fait quelque chose de plus grand : ils ont préparé plus que les esprits, ils ont préparé les événements. Et je tiens à cette idée, car je crois que c’est une leçon de morale pour les écrivains, pour tous ceux qui pensent, que de leur montrer jusqu’à quel point, par leur pensée, ils peuvent agir, non pas seulement sur les sentiments, mais sur les événements qui les suivront. En effet, si les écrivains chrétiens eussent pensé et écrit autrement, que fût-il arrivé ? De deux choses l’une Augustin, Paul Orose, Salvien, pouvaient prendre parti pour Rome absolument contre les barbares, ou bien se déclarer pour —les barbares sans pitié et sans ménagements pour Rome. S’ils avaient fait ce qui semblait le plus naturel, s’ils s’étaient abandonnés à ce désespoir, trop commun aujourd’hui, et dans lequel certains hommes croient trouver je ne sais quelle grandeur ; s’ils s’étaient livrés à ce découragement et à cette tristesse ; s’ils s’étaient réfugiés dans une inconsolable mélancolie, qu’eussent-ils fait ? Ils auraient, à leur exemple, découragé, toute l’Église d’Occident ; désormais les populations chrétiennes de ces contrées se déclaraient