nous ne voyons que nous-mêmes et où nous pensons remplir le monde, il nous fait voir petits et presque effacés, absorbés par Dieu, qui nous maîtrise, nous domine, nous enveloppe : l’homme a beau s’agiter, on sent bien que Dieu le mène. Quoi que saint Augustin ait fait, il se reproche de n’avoir pas fait assez il n’est pas satisfait de son œuvre ; il aurait-voulu entreprendre un traité complet d’histoire universelle. Ce dessein, qu’il n’a pu réaliser, il le lègue au prêtre espagnol Paul Orose. Je ne vous présenterai pas l’analyse de l’histoire de Paul Orose, qui a eu sa célébrité, et où l’on trouve un véritable talent, quelquefois ce souffle inspiré du génie espagnol. Mais que Paul Orose est loin de la prudence, de la modération, de la fermeté contenue de saint Augustin ! A quelles illusions souvent il donne accès ! Lorsqu’il voit, par exemple, l’empire de la mort diminuer dans le monde à mesure que le christianisme s’étend, l’ère de sang cesser avec l’Évangile, il annonce que, lorsque le christianisme sera maître dans l’Europe, le sang ne coulera plus jamais. Il se plaît à constater la paix momentanée dont jouit l’empire il la voit éternelle ; il croit que les Goths et que les Vandales vont consentir à se faire les premiers soldats de César. Cependant il a quelquefois des vues admirables, des aperçus qui étonnent par leur témérité et leur justesse. C’est ainsi qu’il parle de la vocation des barbares au christianisme
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