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événement éclatant qui ne produise un livre impérissable, mais ce n’est pas toujours celui qu’on attend. Ainsi la bataille d’Actium, selon moi, c’est l'Éneide ; l’Énéide qu’elle a inspirée, est sortie comme Vénus des flots de la mer toute resplendissante de beauté.

Un autre événement, le plus grand depuis la bataille d’Actium, venait de se passer dans le monde : Alaric était entré dans Rome ; les barbares avaient campé trois jours dans ses murs. C’était dans les annales du monde la plus formidable chose que l’histoire eût à raconter il n’y eut cependant pas une élégie faite pour pleurer sur les feux de ces barbares allumés au pied du Capitole ; il n’y eut pas un orateur, il n’y eut pas une âme romaine pour protester dignement, au moins le troisième jour, quand Alaric était parti, et qu’il n’y avait plus de péril ; non, il n’y eut pas un disciple de Symmaque ou de Macrobe, il n’y eut pas un seul de ces rhéteurs païens, qui excellaient dans l’art de la parole, pour faire entendre au monde une éloquente protestation. Le cri que doit arracher à l’humanité ce grand et terrible spectacle allait être poussé en Afrique et le livre qui devait sortir de la prise de Rome par Alaric, c’était la Cité de Dieu ; la Cité de Dieu, c’est-à-dire la philosophie de l’histoire, ou le premier effort pour la produire. Il ne fallut rien moins que cette grande secousse pour que le monde prît garde à la main