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sa parole, tandis que les loups reculaient devant lui. Il fallait bien cette conviction à des hommes qui avaient à vaincre des peuples plus terribles que les loups, et je m’étonne moins de voir des lions soumis, qui viennent creuser la fosse de l’anachorète Paul, que de voir, un peu plus tard, à la voix de ces missionnaires et de ces moines, les plus indépendants, les plus vindicatifs et les plus implacables de tous les hommes, habitués à ne servir aucun maître ; à ne prendre conseil que de leur épée, à ne jamais pardonner une injure, ces hommes, moins maniables mille fois que les lions et les bêtes féroces, réduits à obéir, et, ce qui est plus encore, à pardonner.

Voilà donc les premiers commencements de ce qui remplira le moyen âge, de ce qui fera, en quelque sorte, comme les deux moitiés —de tout le travail historique d’une part, la chronologie ou la vérité tout entière, mais aride, sèche, dépouillée, et, d’autre part, la légende où la vie, la couleur, l’âme, le mouvement de l’histoire se trouvent, mais où souvent aussi la poésie a pris ses libertés. Reste maintenant à pénétrer plus loin car, si les anciens se contentaient d’obtenir dans l’histoire une certaine vérité approximative des faits et une certaine beauté de couleur et de mouvement, les temps chrétiens ont plus d’ambition, et ils sont dévorés de ce besoin de connaître les causes