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les prenant en pitié, s’écria «  Seigneur, sans la volonté duquel la feuille ne se détache point de l’arbre, et le passereau ne tombe pas à terre, donne à ceux-ci ce que tu sais leur convenir. » Après avoir ainsi béni les lions, il les congédia, emportant, pour toute dépouille, la tunique de palmier que Paul avait faite pour lui, et qu’il revêtit désormais par honneur aux jours de grande fête, à Pâques et à la Pentecôte.

Ne nous étonnons pas de la naïveté de ce récit un grand esprit comme Jérôme pouvait croire à la supériorité reconquise de l’homme sur la création ; il pouvait croire au rétablissement de cet empire qui avait été donné au premier père sur toutes les créatures, à cet ordre primitif dans lequel tout ce qui vivait dans le monde n’était fait que pour servir les volontés du maître du monde, à cette réconciliation de toutes choses dans le christianisme ; et nous voilà, dès à présent, en plein moyen âge ; nous voilà dans ces pensées, dans ces inspirations fortes et grandes qui feront le courage, l’ardeur et la toute-puissance des hommes des temps barbares. En effet, ce que Paul faisait dans le désert, c’est ce que la légende racontera de saint Gall, apaisant les ours des Alpes, ou de saint Colomban, attirant autour de lui les bêtes des forêts des Vosges, ou de saint François d’Assise, lorsqu’il traversait les plaines de l’Ombrie et que les agneaux et les hirondelles le poursuivaient comme pour recueillir