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d’érudition, il savait aussi arracher au fond des cœurs une victoire disputée.

J’aime mieux vous citer deux faits racontés par saint Augustin lui-même, par nécessité, et non pour vanter son éloquence..

De temps immémorial existait en Mauritanie, à Césarée, une coutume qu’on appelait la Caterva; c’était une petite guerre, mais sérieuse et meurtrière, qu’on se faisait chaque année chaque année, les habitants de la ville, divisés en deux bandes, les pères et les fils, les frères et les frères, armés les uns contre les autres, se faisaient, pendant cinq ou six jours, une guerre à mort des flots de sang coulaient dans la ville. Aucune prescription des êmpereurs n’avait pu déraciner ce détestable usage cela étonnera moins ceux qui sauront que l’Italie, au moyen âge, connut quelques coutumes semblables, et qu’il fallut des efforts persévérants pour les effacer. Saint Augustin tâcha d’abolir ce que les édits des empereurs avaient vainement voulu détruire : il parla, il ébranla, il fut couvert d’applaudissements ; mais il ne se crut pas vainqueur tant qu’il n’entendit que des acclamations : il parla encore; enfin il vit couler des larmes ; alors il sentit que la victoire était gagnée : « En effet, dit-il, il y a huit ans que j’ai parlé, et il y a huit ans que la coutume annuelle n’a pas reparu[1]. »

  1. S. Augustin, de Doctrina christiana, 1. IV, 24.