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comme si nos peines étaient inutiles, nous séchons d’ennui, et l’ennui fait languir le discours et le rend plus impuissant qu’au moment même où, du sentiment de son impuissance, l’ennui nous est venu[1]. »

C’est admirable ! il n’est pas besoin de vous le dire l’éloquence est retrouvée, quand on en a retrouvé non-seulement toutes les inspirations, mais surtout tous les découragements, toute la mélancolie et tous les désespoirs. Voilà comment la doctrine théorique de l’éloquence nouvelle avait été reconstruite par les grands orateurs chrétiens. Il resterait maintenant à la voir à l’œuvre et à se demander comment ces ressources nouvelles se produisirent dans leurs discours. Je ne m’engagerai pas témérairement ni volontiers dans un sujet que M. Villemain a traité avec une supériorité si grande, qu’il n’est permis à personne d’y toucher après lui mon sujet, d’ailleurs, ne le comporte pas et me ramène seulement à tracer les principaux traits des changements qui devaient s’accomplir, peu à peu, sous l’empire de ces règles, et conduire l’éloquence de la forme qu’elle avait eue chez les anciens à celle qu’elle devait prendre au moyen âge.

L’éloquence chrétienne semble naître en Grèce du défi que Julien avait adressé au christianisme

  1. S. Augustin, de Catechizandis rudibus, cap. 2 ;