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des hommes éloquents de l’antiquité, et ce qu’il exprime dans une page qu’il faut vous lire tout entière :

« Pour moi, presque toujours mon discours me déplaît, car je suis avide d’un mieux, que souvent je possède au dedans de moi, avant que j’aie commencé à l’exprimer par le bruit de la parole ; et quand tous mes efforts sont restés au-dessous de ce que j’ai conçu, je m’afflige de sentir que ma langue n’a pas pu suffire à mon cœur. L’idée illumine mon esprit avec la rapidité de l’éclair mais le langage ne lui ressemble point : il est lent, tardif ; et, tandis qu’il se déroule, déjà l’idée est rentrée dans son mystère. Cependant comme elle a laissé des vestiges admirablement imprimés dans la mémoire, ces vestiges durent assez pour se prêter à la lenteur des syllabes, et c’est sur eux que nous formons ces paroles qu’on appelle langue latine, grecque, hébraïque ou tout autre ; car les vestiges mêmes de l’Idée ne sont ni latins, ni grecs, ni hébreux, ni d’aucune nation ; mais comme les traits se marquent dans le visage, ainsi l’Idée dans l’esprit. De là il est facile de conjecturer quelle est la distance des bruits échappés de notre bouche à cette première vue de la pensée. Cependant, passionnés pour le bien de l’auditeur, nous voudrions parler comme nous concevons... et parce que nous n’y réussissons pas nous nous tourmentons et