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Lorsquela liberté a disparu et, avec elle, les causes sérieuses de l’éloquence, celle-là du moins subsiste encore. On voit, par exemple, le rhéteur Dion Chrysostome, poursuivi par la haine de l’empereur Domitien, obligé de s’exiler plus loin qu’Ovide, de se réfugier à Olbia, ville à moitié grecque, à moitié scythe, des bords de la mer Noire.Dès qu’il arrive, il est entouré par une foule d’hommes parlant un langage à peine grec, habitant des ruines, sans cesse menacés par les invasions des Scythes, obligés de veiller nuit et jour sur les murailles ; cependant, voyant un rhéteur au milieu d’eux, ils se pressent autour de lui, le conduisent au temple de Jupiter, s’assemblent en foule. sur les degrés et conjurent Dion de leur adresser la parole, si bien qu’il est obligé de leur faire un discours, de traiter devant eux un lieu commun où il entremêle l’éloge de leur ville[1]. Cette passion, si grande en Orient, n’était pas moindre en Occident. En Afrique, au second et peut-être au troisième siècle, nous en avons un grand exemple dans Apulée,qui voyage dans toutes les villes de la Numidie et de la Mauritanie, portant avec lui ce qu’il a appelé des Florida, des discours fleuris prêts à être prononcés dans les grandes circonstances. C’est ainsi qu’arrivant à Carthage, au milieu d’une nombreuse assemblée

  1. Dioniq Borysthenica, oratio 36.