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poésie populaire moderne, à savoir le nombre des syllabes et la rime.

Ce qui me frappe bien davantage encore, c’est que cette forme, qui consiste à suivre la même rime pendant vingt, trente, quarante vers, jusqu’à ce qu’elle soit épuisée, est précisément la première sous laquelle se produiront nos anciens poëmes chevaleresques dans le moyen âge, nos poëmes carlovingiens et nos plus vieux romans la même assonance y revient pendant une page entière jusqu’à à ce qu’elle ait lassé la patience du jongleur et de l’auditoire. Ainsi il fallait que.l’esprit humain trouvât un charme singulier dans cet artifice nouveau, qui succédait à tous ceux de la poésie ancienne à y regarder de près, il se peut que l’attrait de la rime consiste précisément dans cette attente qu’elle excite et qu’elle satisfait, dans cette expérience qu’elle fait naître et dans ce souvenir qu’elle rappelle, dans ce retour d’une même consonnance agréable, dans ce retour d’un même plaisir, lorsque tous les plaisirs passent et reviennent si peu. Voilà peut-être le principe psychologique de ce ressort nouveau, de cet art nouveau, qui s’introduit avec l’élément populaire dans la langue latine, et qui deviendra le principe de toutes les versifications modernes.

Voilà ce que fit le christianisme avec la Bible pour instrument, les Africains et les barbares pour serviteurs ; et, de plus, le peuple, c’est-à-dire la