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pour dire ingratitude, ingratus animus ; le christianisme fut plus hardi, et il dit en un mot, ingratitudo. De là la facilité de construire beaucoup de termes analogues, de multiplier tes idées abstraites, de propager, d’étendre dans la langue latine le dictionnaire des pensées abstraites ; ainsi on fit sensualitas, et même gratiositas, dubietas. Toutes ces expressions n’étaient pas superflues et propres seulement à encombrer de vaines richesses une tangue qui déjà se suffisait à elle-même; elles rendent ce qui, auparavant, se rendait par une périphrase, c’est-à-dire ce qui souvent ne se rendait pas car on n’énonce volontiers que ce qui s’exprime par un mot seul. Par là, les raisonnements suivis, les discussions les plus subtiles pouvaient se soutenir en langue latine ; la langue chrétienne, pour suivre les disputes épineuses des Ariens, avait été obligée de se mouler sur la souplesse, sur la délicatesse de la langue grecque et d’acquérir la même promptitude à servir d’intelligence en lui donnant le mot demandé, un mot exprès pour une pensée définie. Le latin était donc arrivé à cette richesse du grec de pouvoir plus que jamais créer des mots selon le besoin.

Mais le christianisme ne pouvait parvenir —à ce renouvellement de la langue latine qu’à. la condition de faire subir bien des violences à cette belle langue de Cicéron et de Quintilien, pour lui faire accepter ces expressions inouïes que je viens de