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l’air, du ciel, des eaux, de ces poétiques rivages de l’Italie qu’il avait passionnément aimés, et où il venait de recevoir un accueil digne de la terre qui a nourri tant de grands hommes, et qui sait encore les reconnaître de quelque part qu’ils abordent à ses ruines. Quand les côtes de la Provence se levèrent à ses yeux, il éprouva une grande joie de revoir la patrie et de la certitude d’y mourir. Le vaisseau ne tarda pas d’entrer au port de Marseille, où l’attendaient sa belle-mère et la famille de sa femme. « A présent, dit-il, que j’ai remis Amélie entre les mains de qui elle doit être, Dieu fera de moi ce qu’il voudra. »

« Il eût encore désiré revoir Paris, Paris où tant de souvenirs l’attachaient, où ses amis et sa gloire l’eussent si pieusement accueilli. Mais ce vœu du serviteur ne fut pas exaucé. Seulement Dieu lui retira les angoisses du grand passage il ne souffrit plus des qu’il eut touché la terre de ses aïeux et de ses travaux. Un calme qui n’était ni celui de la vie ni celui de la mort se répandit dans sa personne, et il reçut dans cet état les derniers sacrements de l’Église dont il avait été le fidèle et le défenseur. Le prêtre lui ayant dit d’avoir confiance en Dieu « Eh ! pourquoi le craindrais-je ? répondit-il, je l’aime tant ! »

« Ce devoir rempli, un sommeil précurseur s’empara de ses membres épuisés. Il se réveillait çà et là pour remercier et bénir, pour tendre la main, pour essuyer une larme, pour sourire encore une fois. Le matin de sa mort, jour de la Nativité de la très-sainte Vierge, il ouvrit les yeux, souleva ses bras, et dit d’une voix forte. « Mon Dieu, mon Dieu, ayez pitié de moi » Ce fut sur la terre la dernière parole de cette âme qui en avait eu tant d’éloquentes.

« Ses amis reçurent son cercueil avec vénération. Lyon voulut le garder, Paris l’obtint. Il repose sous les pieds de cette jeunesse qu’il a évangélisée par sa vie, et à laquelle il parle encore du fond de sa tombe. »

(LACORDAIRE, Notice sur Ozanam.)