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les avez enrichies, je repasse mes années devant vous, Seigneur, avec reconnaissance. Quand vous m’enchaîneriez sur un lit pour les jours qui me restent à vivre, ils ne suffiraient pas à vous remercier des jours que j’ai vécus. Ah ! si ces pages sont. les dernières que j’écris, qu’elles soient un hymne à votre bonté!

Vous m’avez fait avant ma naissance le plus grand de vos dons en formant vous-même le cœur de ma mère. Il vous a plu de façonner vous-même cette sainte femme afin qu’elle me portât dans ses flancs : j’ai appris sur ses genoux votre crainte et dans ses regards votre amour. Vous avez aussi conservé à travers des temps bien mauvais l’âme chrétienne de mon père. En passant, par les révolutions, par les camps, par les adversités, il avait gardé la foi, un noble caractère, un grand sentiment de justice, une infatigable charité pour les pauvres. Je dois ici à mon pauvre père un témoignage. Quand j’eus le malheur de revoir ses comptes pour le règlement de sa succession, je trouvai que le tiers de ses visites étaient faites sans espérance de payement pour des indigents reconnus comme tels. Ajoutez qu’il aimait les sciences, les arts, le travail, qu’il nous inspirait le goût du grand et du beau. En quittant les hussards, il avait lu d’un bout à l’autre la Bible de Dom Calmet, et il savait le latin comme nous autres professeurs nous ne le savons plus.