Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/509

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

villa de marbre entourée d’orangers, tantôt emporté par un rapide attelage vers les belles montagnes de Sah-Giulano, ou au moins rêvant au clair de la lune sur la merveilleuse place de Pise, errant dans le Campo Santo, évoquant les mânes des vieux Pisâns sous ces portiques peints par Giotto et Benozzo Gozzoli ; ah ! que vous êtes loin de la vérité ! De toutes les histoires saintes que Benozzo a représentées au Campo Santo, je n’en vois qu’une, et toujours la même, c’est celle du déluge. Depuis tantôt quarante jours nous vivons enveloppés d’un voile de pluie, qui s’épaissit quelquefois en neige, et que soulèvent des vents furieux. On se lève donc à neuf heures en qualité de malade, et toujours pour obéir au susdit ange gardien, on déjeune en se serrant auprès d’un bon feu. Vers onze heures, si la bourrasque souffle avec moins de force, on s’enfuit à l’église voisine pour y entendre la messe, puis à la Bibliothèque qui est à deux pas là on trouve une armée de soixante mille volumes sous le commandèment du plus complaisant bibliothécaire. C’est là qu’on s’oublierait sans la crainte salutaire qu’inspire le même ange gardien que ci-dessus. On revient donc au logis écrire une lettre, donner une leçon à mademoiselle Marie, on dîne de plus en plus enfoncé dans la cheminée, car le froid vient avec le soir. Quelque lecture achève la journée, pendant laquelle on a tout le loisir de regretter les amis qui animaient le coin du feu de la rue de Fleurus.