Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/493

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion. Les monuments de Pise ont un genre de beauté, une grâce pour ainsi dire jeune et virginale qui ne se décrit pas. C’est la première fleur de l’art catholique sur une terre destinée à devenir si féconde c’est au onzième siècle, trente ans avant la première croisade, et dans un temps qui passe pour barbare, que les Pisans imaginèrent d’élever une cathédrale que nous autres, après huit cents ans de civilisation, nous sommes forcés d’admirer. Lorsqu’on franchit les portes de bronze, et qu’au bout de ces cinq nefs divisées par une forêt de colonnes, on voit resplendir au fond de l’abside en mosaïque la figure colossale du Christ, assis, comme il sera au dernier jour, sur un trône de gloire, entre la sainte Vierge et saint Jean, alors on se sent comme accablé de la majesté divine, alors on reconnaît le Fils éternel du Père, alors on est heureux que Notre-Seigneur ait permis à un peuple de lui bâtir une demeure presque digne de lui. La crainte de Dieu, le sentiment du néant de l’homme, l’orgueil légitime du chrétien, toutes ces émotions se réveillent à la fois et l’on comprend, cette parole du psaume : « Qu’ils sont aimés, vos tabernacles, ô Seigneur des vertus ! » Cependant cette merveille de l’Italie et du monde ne suffisait point à la piété dès Pisans. Derrière l’église ils ont élevé cette tour célèbre qu’ils n’avaient point voulu faire penchée, ils avaient trop le sentiment du beau, mais qu’ils achevèrent avec une audace in--