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puis goûter tout à mon aise les plus grands spectacles du monde.

Ô mon ami, n’accusez plus ce que vous appelez les illusions de notre jeunesse, et ne nous repentons pas d’avoir cru à la poésie. Dans d’autres voyages, ma pensée était distraite par les ouvrages des hommes. Dans ces pays-ci, où l’homme a peu fait, je ne vois plus que les œuvres de Dieu, et je le dis maintenant avec toute l’ardeur de la foi : Dieu n’est pas seulement le grand géomètre, le grand législateur, c’est aussi le grand artiste. Dieu est l’auteur de toute poésie ; il l’a répandue à flots dans la création, et s’il a voulu que le monde fût bon, il l’a aussi voulu beau. Autrement, dites-moi pourquoi ces belles cimes des Pyrénées portent avec tant d’essor leurs pics de granit rose jusqu’au ciel ? pourquoi s’échappent de leurs flancs des cascades si bondissantes, des torrents si bruyants et si purs ? Oui, il y a comme un sentiment de pureté morale sur ces hauteurs que le pied de l’homme souille rarement, au bord de ces eaux qui ne désaltèrent que les chamois, au milieu de ces fleurs qui ne s’ouvrent que pour parfumer la solitude du Seigneur. David avait visité les sommets du Liban, quand il s’écriait Mirabilis in altis Dominus ! il avait contemplé la mer, quand il disait Mirabilis elationes maris. Nous aussi, nous sommes descendus au bord de l’Océan ; nous sommes là dans un joli village jeté