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pluie tombe inutilement, comment ne recueillerait-il pas deux âmes qui ont passé en faisant le bien, deux hommes dévoués à leurs devoirs de famille, passionnés pour tout ce qui était juste, éprouvés par des peines cruelles ? Assurément je prie pour eux, mais dans cette prière je trouve beaucoup de douceur. Il me semble que je vois se reformer, dans un monde meilleur, cette société de personnes respectables et chères qui m’entourèrent à l’entrée de la vie et qui m’attendent à la fin. Je m’habitue à-m’entretenir avec elles ; par elles, mes pensées s’élèvent plus tacitement vers ces régions invisibles où Dieu réside. Si Dieu y résidait seul, nous pourrions trop l’oublier ; mais en rappellant ainsi l’un après l’autre ceux que nous aimons le mieux, il nous force bien de prendre avec eux le chemin du ciel. Bénies soient nos saintes mères qui les premières nous ont enseigné ce chemin Quand, tout petits, elles nous apprenaient à croire, à espérer, à aimer, elles posaient, sans y penser, les degrés par où nous remontons jusqu’à elles, maintenant que nous les avons perdues. Heureux ceux qui savent vivre avec tes morts : c’est souvent le meilleur moyen de remplir ses devoirs envers les vivants.

Pour moi, mon cher ami, cette perte cruelle m’a inspiré un vif sentiment de repentir. Je me suis amèrement reproché d’avoir laissé passer un temps si long sans t’écrire, sans écrire à ton excellent