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lui et pour les siens qui ont bien de la peine à se remettre d’un coup si fort et si peu attendu. Hélas ! monsieur, vous me demandez mon jugement sur la situation présente. Nous sommes une pauvre famille sous le jugement de Dieu ! Dans le nuage de douleur où nous vivons ; je ne vois plus où la Providence nous mène, si ce n’est qu’elle nous mène où elle veut. Sans doute, quand on voit mourir tous ces généraux blessés, toute cette fleur de l’armée d’Afrique, cet héroïque archevêque, et ce Chateaubriand qui était comme le représentant de l’antique France, il semble que la patrie s’en va. Il semble qu’elle s’en va avec tout ce que nous avons aimé, avec la liberté même qui ne paraît plus possible que sous la condition de l’état de siège ; avec la popularité renaissante du catholicisme, compromise par les difficultés présentes de Pie IX. Mais je ne me suis jamais dissimulé le péril de la situation. J’ai toujours cru à l’invasion des barbares ; j’y crois plus que jamais. Je la crois longue, meurtrière, mais destinée tôt ou tard à plier sous la loi chrétienne, et par conséquent à régénérer le monde. Seulement, je suis sûr que nous assisterons à toute l’horreur de la lutte. Je ne sais pas si nos enfants vivront assez pour en voir la fin.

Nous avons appris avec chagrin, ma femme et moi, que madame de Champagny était souffrante et que vous aviez un enfant malade. Ah ! si les