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XIV
À M. ERNEST FALCONNET.
Paris, 19 mars 1833.

Mon cher Ernest

Te dirai-je que tes deux lettres m’ont fait beaucoup déplaisir ? Non, ce serait une-expression trop faible pour désigner le sentiment qu’éprouve un homme, lorsque son ami lui découvre son cœur et lui fait lire au dedans. Notre amitié n’a jamais été troublée. Nos âmes sont comme deux jeunes étoiles qui se lèvent ensemble et s’entre-regardent à l’horizon une vapeur légère peut passer entre elles et les voiler quelques heures; mais bientôt l’illusion se dissipe, et elles reparaissent pures, intactes, brillantes l’une pour l’autre, et elles se retrouvent sœurs. J’avoue que j’ai eu tort de penser ce que j’ai pensé et d’écrire ce que j’ai écrit ; mais écoute, mon ami, l’amitié est aussi une vierge timide et jalouse, le moindre souffle de froideur la fait frissonner, et moi, à cent lieues de distance de mon cher Ernest, tandis qu’il est lancé dans le tour-