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une seconde famille, de m’entourer d’eux pour fermer les vides que le malheur a faits devant moi. A mesure que la génération qui nous précédait, et nous couvrait pour ainsi dire, vient à tomber et nous laisse face à face avec l’ennemi, hommes nouveaux, nous avons besoin de serrer nos rangs, et nous voyant fortement appuyés les uns par les autres, nous attaquerons de front avec plus de courage les obstacles et les périls de la vie. Et cela est si vivement senti, dans les jours difficiles où nous sommes, que les engagements ordinaires du mariage et de la paternité ne suffisent plus aux âmes un peu généreuses, et qu’en dehors du sanctuaire domestique où elles se recueillent pour jouir et pour prier, elles continuent de chercher dans des associations d’une autre nature la force pour combattre. Ainsi voyons-nous avec bonheur Arthaud, Chauraud, et d’autres encore, persévérer dans leurs anciennes affections : ils ne sont perdus ni pour nous, ni pour les pauvres, ni pour le grand œuvre de la régénération de la société française. Quant à moi, j’observe sans arrière-pensée, résolu que je suis à ne pas m’occuper de la question d’état avant la fin des prochaines vacances. Je dois bien à la mémoire de ma pauvre mère une année de deuil. Ainsi j’aurai le temps de voir revenir de Rome l’abbé Lacordaire, et de mieux m’assurer si la divine Providence ne voudrait pas m’ouvrir les portes de l’ordre de Saint-Dominique.