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tique mais, mon cher ami, ce bien-être matériel ou sentimental, cet égoïsme à deux, est-il bien de saison ? La société est-elle si heureuse, la religion si honorée, la jeunesse chrétienne si nombreuse et si active, ceux qui peuvent travailler au bien général si désœuvrés, que vous soyez en droit, avec le talent que Dieu vous a donné, avec les connaissances et les encouragements dont vous êtes entouré, avec cette voix qui sûrement du fond du cœur vous appelle à l' œuvre, de vous retirer déjà, comme un ouvrier fatigué qui a porté le poids du jour et de la chaleur ? N’avez-vous donc jamais pris au sérieux tout ce que vous avez dit, écrit ou fait, tout ce que vos amis ont répété ou tenté avec vous ?Désespérez-vous de la régénération du pays, de l’amendement des idées ? Ou bien désespérez-vous de vous-même, c’est-à-dire de Dieu, qui vous a créé, racheté,sanctifié ? Vous avez de la peine à trouver votre place ici-bas ! et qui n’en peut dire autant ? Est-ce une raison pour justifier le suicide ? et n’est-ce pas un suicide, quand on est ce que vous êtes, d’aller à M. planter des choux ?

Je vous en prie, allez voir Montalembert, ou plutôt faites-lui demander quand il est visible. J’ai lieu de penser qu’il vous entretiendra de projets capables de préoccuper votre pensée, et de tempérer un peu le désœuvrement intellectuel où vous êtes. Avez-vous complétement abandonné votre idée d’une Histoire du Droit canon ? J’en serais fâché.