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que le succès heureux ou malheureux de cette at-. faire décidera si je demeurerai dans le monde ou si j’en sortirai quand les événements me rendront libre. Vous apercevez là quelle est la témérité de mes rêveries, et sur quel terrain sacré elles osent se porter. Mais, en vérité, j’envie le sort de ceux qui se dévouent entièrement à Dieu et à l’humanité. Et d’un autre côté, cette question de mariage se représente souvent à mon esprit ; jamais elle n’en sort sans y laisser d’incroyables répugnances. Je suis plus faible que beaucoup d’autres, et les égarements de mon imagination auraient pu entraîner bien loin mon cœur. Et toutefois je sens qu’il y a aussi une virginité virile qui n’est pas sans honneur et sans charmes, et dans l’union conjugale il me semble qu’il y ait une sorte d’abdication. Il peut se faire qu’il y ait là-dedans quelque injuste mépris pour les femmes. Cependant la sainte Vierge et ma mère et quelques autres me font pardonner bien des choses à ces filles d’Eve. Mais je déclare qu’en général je ne les comprends pas. Leur sensibilité est quelquefois admirable, mais leur intelligence est d’une légèreté et d’une inconséquence désespérantes. Avez-vous jamais vu conversation plus capricieusement interrompue, moins suivie que la leur ? Et puis s’engager à une société sans réserve, sans fin, avec une créature humaine, mortelle, infirme, misérable, si parfaite qu’elle soit C’est surtout cette perpétuité de l’engagement qui