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la vie que je mène ici ? C’est toujours cette vie bizarre entre des études inconstantes et des occupations importunes. Je compte irrévérencieusement parmi ces dernières les rares plaidoiries qui me conduisent au Palais. La fameuse affaire d’interdiction pendante à l’époque de votre départ a été plaidée deux fois depuis, et se jugera peut-être demain. En deux autres occasions, j’ai dû porter la parole à la barre du tribunal civil et de la police correctionnelle, pour de minimes intérêts. Cette semaine, les assises m’ont donné beaucoup de besogne. Lundi, un pauvre homme, défendu par moi, a été condamné à cinq ans de travaux forcés, non pas tant pour un crime qui n’a pas été prouvé, que pour des antécédents détestables qui étaient trop certains. Avant-hier la scène avait changé et si, présent en notre bonne cité, votre mauvais génie vous eût conduit a la grande salle de l’hôtel de ville, vous eussiez vu le plus humble de vos serviteurs aux côtés de Pitrat, le directeur de la Gazette du Lyonnais, citée pour attaque au gouvernement du roi ; vous auriez entendu une longue harangue du ministère public, requérant contre le chétif journal toute la sévérité de la loi, et le jeune défenseur s’efforçant, selon sa louable coutume, d’occuper une place neutre entre l’accusateur et l’accusé ; et de justifier le second sans irriter le premier. Vous auriez ouï un homme d’État de vingt-quatre ans se prononçant avec une impertur-