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jour. Et voilà que, dans un de ces moments de gaieté où vous entrez souvent à la suite de vos périodes d’ennui, vous m’écrivez mille choses joyeuses, et devisez à l’avenant comme un homme sans soucis et sans affaires. Force m’a donc été de mettre au feu la page que j’avais griffonnée a l’usage de vos tristesses, et de tracer d’autres lignes plus assorties a la couleur présente de votre esprit. Je suis complétement de votre avis, et je professe que c’est folie de consumer ses jours à accumuler ce dont on ne jouira point, folie même d’entasser pour ses enfants. Car les enfants qui voient se former derrière eux un monceau d’or sont furieusement tentés de s’y asseoir et de se croiser les bras ; et leur préparer une fortune, c’est bien souvent les convier au péché de paresse. Et puis les enfants ne sont quelquefois qu’un respectable prétexte ; soulevez le voile, et vous verrez l’égoïsme, l’égoïsme qui trouve dans la propriété un moyen d’étendre et de prolonger en quelque sorte la personnalité, qui est bien aise d’avoir beaucoup autour de soi dans le présent, et de laisser beaucoup après soi dans l’avenir. Heureusement ceci ne s’applique à personne de ceux auxquels je dois amour ou respect, bien qu’à Lyon ce vice soit commun.

J’ai envie de rendre grâces à Dieu de m’avoir fait naître dans une de ces positions sur la limite de la gène et de l’aisance, qui habituent aux privations