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tracée pour la vie, et, en qualité d’ami, je dois vous en faire part.

Comme vous, je sens que le passé tombe, que les bases du vieil édifice sont ébranlées et qu’une secousse terrible a changé la face de la terre. Mais que doit-il sortir de ces ruines ? La société doit-elle rester ensevelie sous les décombres des trônes renversés, ou bien doit-elle reparaître plus brillante, plus jeune et plus belle ? Verrons-nous « novos coelos et novam terram ? » Voilà la grande question. Moi qui crois à la Providence et qui ne désespère pas de mon pays comme Charles Nodier, je crois à une sorte de palingénésie. Mais quelle en sera la forme, quelle sera la loi de la société nouvelle ? Je n’entreprends pas de le décider.

Néanmoins, ce que je crois pouvoir assurer, c’est qu’il y a une Providence et que cette Providence n’a point pu abandonner pendant six mille ans des créatures raisonnables, naturellement désireuses du vrai, du bien et du beau, au mauvais génie du mal et de l’erreur ; que, par conséquent, toutes les créances du genre humain ne peuvent pas être des extravagances et qu’il y a eu des vérités de par le monde. Ces vérités, il s’agit de les retrouver, de les dégager de l’erreur qui les enveloppe ; il faut chercher dans les ruines de l’ancien monde la pierre angulaire sur laquelle on reconstruira le nouveau. Ce serait à peu près comme ces colonnes qui, selon les historiens, furent élevées avant le déluge pour