Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ques, comme à travers une mauvaise lunette ? Entouré que je suis de mille opinions directement contradictoires qui assiègent sans cesse mes oreilles de leurs arguments réciproques, j’ai déjà bâti vingt systèmes dont aucun n’a pu subsister ; j’ai fait cent conjectures que les événements sont venus démentir ; et voilà que maintenant, las de politiquer, de deviner, je regarde jouer la charade en action, et j’attends qu’on dise tout haut le mot de l’énigme.

En attendant, prendre patience, lire les nouvelles simplement pour savoir ce qu’on devient, me tenir autant que possible renfermé dans ma sphère individuelle, me développer à l’écart, étudier beaucoup maintenant en dehors de la société, pour pouvoir y entrer ensuite d’une manière plus avantageuse pour elle et pour moi : voilà le plan que j’ai eu besoin de former, que M. Noirot m’a encouragé à exécuter, et que je vous conseille d’adopter aussi, mes bons camarades : car, en conscience, nous sommes encore trop verts, nous ne sommes point encore assez nourris de la sève vivifiante de la science pour pouvoir offrir des fruits mûrs à la société. Hâtons-nous, et, pendant que la tempête renversera bien des sommités, grandissons dans l’ombre et le silence pour nous trouver hommes faits, pleins de vigueur, quand les jours de transition seront passés et qu’on aura besoin de nous.

Quant à moi, mon parti est pris, ma tâche est