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Voilà mon état plein de misère, et ce récit sert d’explication à ma négligence envers vous, s’il ne e peut, lui servir d’excuse. Si vous ne me ’pardonnez pas, vous me plaindrez du moins vous changerez vos adulations amicales en salutaires reproches, en encouragements, en bons conseils, et surtout en prières. Vous comprenez aussi un autre motif de mon silence. Quand on écrit a un ami comme vous, on a besoin de lui parler de soi, et on n’aime pas à parler de soi quand on se sent mauvais. J’attendais donc instinctivement de me sentir meilleur pour m’entretenir avec vous. Enfin hier, j’ai eu le bonheur de recevoir Celui qui est la force des faibles et le médecin des langueurs de l’âme, et aujourd’hui je vous écris dans la sincérité de mes regrets pour le passé et de mes bonnes resolutions pour t’avenir : oh ! priez, je vous en conjure, pour que celles-là enfin ne soient point trompées.

Vous, mon cher ami, vous êtes le contraste le plus parfait qui puisse m’être opposé. Autant Dieu m’a prodigué de faveurs ; autant il vous prodigue de souffrances et d’épreuves. Et tandis que je succombe et que je m’abats malgré ses bienfaits, vous sortez de plus en plus fort du creuset de douleurs où sa main vous a placé. Vous serez bien heureux un jour, carvous êtes jeune et vous avez déjà beaucoup mérité. Votre sensibilité si vive, façonnée dans les chagrins, devient un instrument de grandes