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sans offenser la Providence, non, ce n’est, pas assez. Dieu a mis dans notre âme deux besoins qui se ressemblent, mais qu’on ne doit pas confondre. Il nous faut des parents qui nous chérissent, mais il nous faut aussi des amis qui nous soient attachés. La tendresse qui vient du sang et l’affection qui procède de la sympathie sont deux jouissances dont nous ne saurions nous passer, et dont l’une ne peut remplacer l’autre. La tendresse des parents a cela de plus sacré, qu’elle est établie immédiatement par le Créateur lui-même ; l’amité a cela de plus flatteur qu’elle est plutôt notre propre ouvrage. Les parents pèsent plus dans la balance sans doute, mais il ne faut pas que l’autre plateau reste vide. Souvent à Paris vous m’avez entendu regretter le toit paternel, les embrassements de ma mère, les conseils de mon frère aîné, les caresses de mon petit frère maintenant que j’ai tout cela, je regrette nos camarades de Paris, la bonhomie charitable de M. Bailly, les longues soirées passées ensemble, et vous surtout qui me donniez si souvent de bons avis et de bons exemples, qui me témoigniez un attachement si sincère et si chrétien. Vous le savez bien, de tous les jeunes gens que j’ai connus dans cet exil de la capitale, c’est vous que j’ai préféré, c’est vous que je suis allé chercher quand vous vous cachiez dans votre petite chambre et que vous étiez dans vos jours sombres ; c’est vous, a votre tour, qui tant de fois m’avez inspiré de