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tour du feu à deviser à cœur ouvert, font plus de bien et de repos qu’une semaine entière de soirées, où il faut de deux choses : l’une se tenir guindé et enharnaché dans les formes d’une sotte et froide politesse, ou bien s’abandonner à des jouissances. étourdissantes qui ne sont pas sans péril. Tu le sais, le monde est une lime de fer qui use bien des jeunes vies ;ne lui donne pas la tienne ;si tu ne croyais à rien, permis à toi de dire: Courte et bonne et Coronemus nos rosis antequam marescant. Mais chrétien, et croyant à Dieu, à l’humanité, à la patrie, à la famille, souviens-toi qu’à eux et non pas à toi appartient ton existence, et qu’il vaudrait mille fois mieux languir durant un demi-siècle en donnant aux autres l’exemple de la résignation et en faisant un peu de bien, que de s’enivrer pendant quelques mois de brillantes délices et mourir dans son délire.

Mais non, toi tu ne languiras point la fontaine est trop jaillissante pour tarir, ton intelligence trop nerveuse pour rester impuissante. Tu réussiras, tu feras le bien en grand, quelle que soit la carrière qui t’est tracée. Tu ne glisseras point sur le sang du taureau comme Euryale ; si celui que tu appelles Nisus te paraît devant toi, c’est qu’il est parti plus tôt, peut-être aussi plus tôt atteindra-t-il le but mais toi aussi tu l’atteindras un jour. Peut-être aussi, comme ces deux amis, quelque commun sacrifice nous attend-il; mais le sacrifice pour celui