siastique aux poëtes, quand ils y seraient rentrés, cités à chaque page par saint Basile, saint Augustin, saint Jérôme ? Quelques esprits sévères essayèrent bien d’arrêter Virgile au seuil ; mais d’autres, plus complaisants, montrèrent que le doux chantre de Mantoue avait annoncé la venue du Messie. Sa quatrième églogue à la main, Virgile passa et fit passer avec lui tous les poëtes classiques.
C’était peu d’avoir conservé l’antiquité : le christianisme devait travailler pour l’avenir en recueillant ce qu’il y avait d’éléments féconds dans le chaos de la barbarie ; car il n’existe pas d’ignorance si épaisse qui ne soit sillonnée de quelque lumière, ni de violence si indisciplinée qui ne reconnaisse quelque loi, ni de mœurs si triviales où ne se glisse quelque rayon d’inspiration poétique. Le christianisme développa chez les Germains cette droiture d’intelligence qu’une fausse philosophie n’avait point gâtée. Il développa dans leurs mœurs, il consacra dans leurs lois ces deux beaux sentiments : le respect pour la dignité de l’homme et pour la faiblesse de la femme. Enfin, dans les chants guerriers où ces hommes sans lettres célébraient les actions de leurs ancêtres, on sentait assurément je ne sais quoi de plus inspiré que toutes les déclamations de la décadence latine. L’Église se garda bien de briser la harpe des bardes gallois et des scaldes germaniques ; elle la purifia ; elle y mit une corde de plus pour chanter Dieu, les saints, et les joies de la famille au foyer que le Christ a béni.