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Jusqu’ici nous avons traité du progrès pour ainsi dire tout à notre aise, en embrassant ces grands espaces historiques où il est facile de choisir et de grouper à son gré les événements. Il faut maintenant nous réduire à un terrain plus étroit, descendre à une époque dont toutes les apparences semblent tournées contre nous. Je veux parler des temps écoulés depuis la chute de l’empire d’Occident jusqu’à la fin du treizième siècle, jusqu’au moment qu’on a coutume de saluer comme le réveil de l’esprit humain.

S’il n’y avait dans l’homme qu’un bon principe, le progrès n’en serait que le développement calme et régulier. Mais il y a dans l’homme deux principes, l’un de perfection, l’autre de corruption ; dans la société deux puissances, la civilisation et la barbarie. Le progrès est donc une lutte ; cette lutte a des alternatives de défaite et de victoire. Toute grande période dans l’histoire part d’une ruine et finit par une conquête.

La première période où nous entrons commence à la plus formidable ruine qui fut jamais, celle de l’empire romain. On ne se représente pas assez la majesté de cet empire, quand il faisait la paix du monde par ses lois, l’éducation des peuples par ses écoles, l’ornement des provinces par ce nombre infini de routes, d’aqueducs, de villes et de monuments dont il les avait couvertes. Sans doute l’avarice et la cruauté romaines vendaient cher ces bienfaits. Cependant l’opinion que les peuples avaient de Rome était si haute, que le bruit de sa chute alla effrayer, non-seulement les consulaires, les claris-