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martyrs ; ils travaillent à la lueur de la lampe et sous la menace des persécutions. Ils représentent le Christ, la Vierge, les apôtres, des chrétiens en prières. Ces figures trahissent quelquefois une grande inexpérience ; souvent les proportions leur manquent ; mais tout le ciel est dans leurs yeux. Le sentiment de l’infini remplit ces fresques. Il passe dans les mosaïques qui ornent les églises de Rome et de Ravenne aux temps barbares, et tout le progrès de la peinture italienne du treizième au quinzième siècle sera de faire resplendir sous la beauté antique des formes la beauté chrétienne de l’expression.

Troisièmement, l’art classique porte le caractère de l’unité. L’antiquité ne connaissait qu’une seule civilisation gréco-latine, région lumineuse hors de laquelle il n’y avait que des barbares. La société civilisée regorgeait elle-même de barbares, c’est-à-dire d’esclaves, incapables de participer à la vie des esprits. L’art n’était donc que le plaisir orgueilleux du petit nombre. L’opulent Romain que les devoirs de sa charge retenaient à York ou à Séleucie pouvait, sous les portiques d’un palais qui lui rappelait la patrie, se faire lire Properce ou Virgile. Mais le breton d’York et le Parthe de Séleucie ignoraient éternellement les poëtes favoris de leurs maîtres. Au contraire, l’inspiration chrétienne a débordé chez tous les peuples qui ont cru. Elle a ravivé les vieux idiomes de l’Orient en leur donnant ces belles liturgies grecque, syrienne, copte, arménienne. Elle a jailli surtout dans les langues de l’Occident ; elle a formé, comme cinq grands fleuves, les littératures de l’Italie,