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inaccessible aux passions humaines ? Un témoignage contemporain nous détrompe et trahit l’impuissance de cet art grec qui donnait la vie à la pierre, mais qui ne lui donnait pas la pensée. Xénophon rapporte que Socrate aimait à visiter les artistes et les aidait de ses conseils. « Il alla voir un jour le peintre Parrhasius : La peinture, lui dit-il, n’est-elle pas la représentation de ce que l’on voit ? Vous imitez avec des couleurs les enfoncements et les saillies, le clair et l’obscur, la mollesse et la dureté, le poli, la rudesse, la fraîcheur et la décrépitude. Mais quoi ! ce qu’il y a de plus aimable, ce qui gagne la confiance et ce qui touche le désir, l’imitez-vous, ou bien le faut-il croire inimitable ? — Parrhasius. Et comment le représenter, puisqu’il n’a ni proportion ni couleur, et qu’enfin il n’est pas visible ? — Socrate. Mais ne voit-on pas dans les regards tantôt l’amitié, tantôt la haine ? — Parrhasius. Je le crois aussi. — Socrate. Donc il faut imiter ces passions par l’expression des yeux… La fierté, la modestie, la prudence, la vivacité, la bassesse, tous ces sentiments se montrent dans le visage et le geste, dans la pose et le mouvement. » Le pressentiment chrétien, qui dévoilait à Socrate la vanité des faux dieux, la perversité de la morale païenne, lui faisait reconnaître aussi l’insuffisance de l’art grec. En effet, le christianisme vient ; il donne aux derniers de ses croyants le sens des choses qui ne se voient pas et ne se mesurent pas : les ouvriers des catacombes décorent de peintures les tombeaux des