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si l’on veut, cette illusion de notre jeunesse, ne semble plus qu’une orgueilleuse opinion réprouvée par la conscience et démentie par l’histoire. Le dogme de la perfectibilité humaine ne saurait trouver que peu de faveur dans une société découragée ; mais ce découragement a ses périls. Souvent il est bon d’humilier les hommes, jamais de les désespérer. Il ne faut pas que les âmes perdent leurs ailes, comme dit Platon, et que, renonçant à la hauteur d’une perfection qu’on leur déclare impossibles, elles se rejettent tout entières vers de faciles plaisirs. Il faut se souvenir enfin qu’il y a deux doctrines du progrès. La première, nourrie dans les écoles sensualistes, réhabilite les passions : elle promet aux peuples le paradis terrestre au bout d’un chemin de fleurs, et ne leur prépare qu’un enfer terrestre au bout d’un chemin de sang. La seconde, née d’une inspiration chrétienne, reconnaît le progrès dans la victoire de l’esprit sur la chair ; elle ne promet rien qu’au prix du combat, et cette croyance qui porte la guerre dans l’homme est la seule qui puisse donner la paix aux nations.

C’est la doctrine du progrès par le christianisme, que j’essaye de ramener comme une consolation en des jours inquiets. Je tenterai de la justifier, en la rattachant à ses principes religieux et philosophiques, en la dégageant des erreurs qui l’ont mise au service des plus détestables causes. Ensuite je l’éprouverai en l’appliquant à des siècles qui semblent choisis pour la démentir, à une époque pire que la nôtre et dont nous ne