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soumis au temps, et ce qui ne peut se comporter aujourd’hui autrement qu’autrefois. Car ce nom d’être porte avec lui la pensée d’une nature permanente et immuable. Nous n’en pouvons nommer aucune autre que Dieu même, et si vous cherchez un principe contraire à Dieu, à vrai dire vous n’en trouverez point ; car l’être n’a de contraire que le néant…[1].

Si vous définissez le mal ce qui est contre la nature, vous dites vrai, mais vous renversez votre hérésie ; car ce qui est contre la nature tend à se détruire, et à faire que ce qui est ne soit pas. Les anciens appelaient nature ce que nous nommons essence et substance. C’est pourquoi dans la doctrine catholique on a dit que Dieu est l’auteur de toutes les natures et de toutes les substances, et par là même on entend que Dieu n’est pas l’auteur du mal. Comment, en effet, lui qui est la cause de l’être pour tout ce qui est, pourrait-il devenir cause que ce qui est ne fût pas, perdît de son essence et tendît au néant ? Mais votre mauvais principe, que vous prétendez être le souverain mal, comment peut-il être contre la nature, si vous lui attribuez une nature, une substance. Car, s’il travaille contre lui-même, il s’ôtera l’être, et il faut qu’il y réussisse pour arriver au souverain mal. Mais il n’y réussira point, puisque vous voulez non-seulement qu’il soit, mais qu’il soit éternel.

Le mal n’est donc pas une essence, mais une pri-

  1. De Moribus manichæorum l. II, c. I.