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C’est alors que ces idées se répandent avec une incroyable rapidité en Orient et en Occident, et qu’elles font la conquête de saint Augustin ; pendant neuf ans, il fut au nombre des auditeurs de Manès, et se débattit en vain contre ce problème de l’origine du mal que, sur sa couche trempée de larmes, il retournait dans tous les sens pour en revenir toujours à cette question : Comment le mal a-t-il été créé ? Ne trouvant pas de solution dans les premières notions du christianisme qu’il avait reçues de sa mère, il se laissait entraîner vers les fables du manichéisme, il restait suspendu aux lèvres éloquentes de ces discoureurs qui venaient raconter la lutte des deux principes, les douleurs du Jesus patibilis, les souffrances de toute créature, et, comme il dit, la figue versant une larme lorsqu’on la détache de la branche à laquelle elle appartenait.

Voilà à quelles erreurs était en proie ce grand esprit, lorsque la sagesse des philosophes platoniciens et les paroles d’Ambroise vinrent l’arracher à ces illusions, à ces fables, pour en faire l’adversaire redoutable des manichéens, et lui donner mission de les réfuter, de les détruire et de rétablir, le premier, en présence du monde païen, une notion philosophique, sainte et raisonnable de l’origine du mal. Je ne vous ferai pas l’analyse de ces ouvrages ; je me bornerai à lire un court passage de son livre de Moribus manichæorum : « Ce qui mérite surtout le nom d’être, c’est ce qui demeure toujours semblable à soi-même, ce qui n’est point sujet au changement ou à la corruption, ce qui n’est point