Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/351

Cette page a été validée par deux contributeurs.

viennent tour à tour et y prodiguent tous les trésors de leur éloquence, tant ce beau génie ne pouvait s’en séparer ! tant cette antiquité débordait et s’échappait inévitablement dans ses écrits ! Aussi on s’en scandalise, et Magnus, rhéteur romain, qui portait quelque jalousie à saint Jérôme, lui reproche d’avoir ainsi rempli ses livres de souvenirs païens et de déshonorer la blancheur de l’Église par des souillures profanes, de ne pouvoir écrire une page, une lettre à une femme, sans alléguer ceux qu’il appelle notre Cicéron, notre Horace, notre Virgile ; mais saint Jérôme lui répond : « Que son interlocuteur ne lui eût jamais adressé un tel reproche s’il connaissait l’antiquité sacrée. Saint Paul, plaidant à l’Aréopage la cause du Christ, ne craint pas de faire servir à la défense de sa foi l’inscription d’un autel païen, et d’invoquer le témoignage du poëte Aratus. L’austérité de ses doctrines n’empêche point l’apôtre de citer Épiménide dans l’épître à Tite, et ailleurs un vers de Ménandre. C’est qu’il avait lu dans le Deutéronome comment le Seigneur permit aux fils d’Israël de purifier leurs captives et de les prendre pour épouses. Et quoi donc d’étonnant si, épris de la science du siècle à cause de la beauté de ses traits et de la grâce de ses discours, je veux, d’esclave qu’elle est, la faire israélite[1] ? »

Mais le songe, mais la promesse, l’engagement pris de ne plus ouvrir de livres profanes ? Saint Jérôme

  1. S. Hieronymi Epist. LXXXIII, ad Magnum.