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« reprit le Christ, non, tu n’es pas chrétien, tu es cicéronien. » Confondu par ce reproche, saint Jérôme promet à Dieu, au milieu d’abondantes larmes, d’abandonner à tout jamais la lecture des auteurs profanes[1].

Voilà un grand engagement, et saint Jérôme semble le contracter de nouveau dans une lettre qu’il écrit bientôt après à Eustochie. Vers le même temps, il envoie au pape Damase un grand commentaire, une parabole de l’enfant prodigue, où il déclame contre ces prêtres, contre ces évêques qui savent Virgile par cœur, récitent des chants bucoliques, des poëmes d’amour, et se délassent à déclamer des tragédies entières, car tout cela, dit-il, tous les vers des poëtes, l’éloquence des orateurs, la sagesse des philosophes, sont les festins des démons ; sans doute on peut y découvrir des vérités, mais alors il faut le faire avec discrétion pour ne pas scandaliser les fidèles. Ces maximes sont bien sévères, mais il faut regarder à leur date, 383 et 384, c’est-à-dire qu’elles ont été écrites dans la première fièvre de la conversion ; si saint Jérôme se montre si dur, c’est parce qu’il s’accuse lui-même ; il ne frappe si fort que parce qu’il sent qu’il frappe sur lui, il y a là un fonds de remords ; mais laissez venir la sagesse, les bons conseils de la solitude et du désert, et il en sera tout autrement. Il continue d’écrire, et Virgile continue à faire les frais du quart de ses lettres ; Platon, tous les anciens, y

  1. S. Hieronymi Epist. XVIII, ad Eust.