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L’accord de la science et de la foi, de la religion et des lettres, n’était pas une question facile, et, quand elle se présenta, au cinquième siècle, avec ce cortége de sectateurs pour et contre, avec tout l’Orient pour, avec tout l’Occident contre, il y avait lieu de douter sur la solution qui allait être donnée, lorsque enfin il fallut que l’Occident se décidât dans la personne de ses deux grands docteurs : saint Jérôme et saint Augustin.

Jusque-là, les maîtres d’Occident avaient voulu renoncer à la succession, avaient repoussé l’héritage ; au contraire, les maîtres de l’Église grecque inclinaient à le recueillir. C’était un devoir formidable que celui de se décider sous les yeux de l’Église entière, attentive et inquiète ; aussi je ne suis pas étonné des hésitations de saint Jérôme. D’ailleurs, il était tout pénétré de la lecture des grammairiens, des rhéteurs, des philosophes, bien qu’en même temps tout brûlant de foi. Il avait médité Platon, s’était exercé à déclamer des controverses oratoires comme on faisait dans toutes les écoles ; l’esprit de Dieu le saisit, il s’enfuit au désert, mais il y porte sa bibliothèque : il jeûne et il lit Cicéron ; il pleure ses péchés et il ouvre Plaute. Lorsque, revenant à lui-même, il prend les saintes Écritures, il en trouve le style inculte. Vers le milieu du carême qui suivit, étant tombé dangereusement malade, il eut un songe : il se crut transporté au pied du trône de Jésus-Christ ; et, le Sauveur lui ayant demandé : « Qui es-tu ? — Je suis chrétien, répondit saint Jérôme. — Non,