ser les épaules à Cicéron et embarrassaient Varron. Ces fables semblent ressusciter en présence du christianisme : en présence de ces doctrines si sévères, si pleines de mortifications et d’austérités, quelque chose de charnel et d’enchanteur se soulève et se rejette avec force du côté des grâces, des muses et des voluptés. Voilà à quels attraits il fallait s’arracher pour que les lettres devinssent chrétiennes, voilà contre quelles tendances il fallait lutter pour entrer au giron de la vérité nouvelle, qui ordonnait d’abandonner même les charmes et les illusions d’esprit. Il ne faut donc pas s’étonner du grand nombre d’apostasies que l’on trouve, à cette époque, parmi les gens de lettres. Ne sont-ce pas les muses de la Grèce, Homère lui-même, qui deviennent coupables de l’apostasie de Julien ? Quand Julien est monté sur le trône, faut-il nous étonner de voir tous ces gens de lettres se précipiter dans les temples à sa suite ? De même encore, lorsque Théodose rend ses décrets terribles contre l’apostasie, on sent que ce mal ronge profondément le christianisme. Licentius, élève de saint Augustin, un jeune homme en qui il a mis toutes ses complaisances, qui a passé plusieurs mois avec lui dans ces sublimes et familiers entretiens de Cassiciacum, Licentius est chrétien ; cependant le démon de la poésie le poursuit, le tourmente, et il s’échappe pour aller composer une pièce sur Pyrame et Thisbé. Rien n’est plus touchant que de voir alors les efforts de saint Augustin : tantôt il raille Licentius, et il essaye de l’arracher à ses muses, tantôt, croyant le conseil plus sage,
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