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s’il s’agissait d’un crime. Si l’on jette au feu une table, une chaise, un lit, le voilà qui gronde, il appelle cela de la précipitation. Les dépenses, il les écrit d’un bout à l’autre de sa propre main, et ce qu’on n’a point dépensé, il prétend qu’on le rende. Oh ! que les maîtres sont injustes ! Ils nous trouvent endormis parce que le jour nous avons sommeil. Le secret, c’est que la nuit nous veillons. Je ne sache pas que la nature ait rien fait de mieux que la nuit. La nuit, c’est notre jour. C’est alors que nous allons aux bains, que nous y allons avec les servantes et les belles esclaves. N’est-ce point là une vie libre ?… Nous enfermons les maîtres chez eux, et nous nous assurons de leur absence. Entre nous, point de jalousie ; entre esclaves, il n’y a qu’une seule famille. Pour nous, c’est tous les jours fêtes, noces, jeux et bacchanales, et voilà pourquoi beaucoup ne veulent pas être affranchis. Quel homme libre pourrait suffire à tant de dépenses et s’assurer de tant d’impunité ? »

Vous voyez donc que la famille n’était pas moins menacée que la propriété au cinquième siècle, vous voyez aussi quels périls ébranlaient profondément ce monde qui se couvrait extérieurement de marbre et d’or, quels dangers domestiques assiégeaient ces fiers patriciens, ces grands possesseurs de la glèbe, au moment où ils allaient passer leurs journées entières sur les gradins d’un cirque, applaudissant la course d’un char.

De deux choses l’une : ou le poëte a voulu accabler les esclaves sous leurs propres vices et répondre aux