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C’est un des grands secrets de la décadence latine de couper ainsi les vers après le premier hémistiche et d’arrêter là la phrase ; vous vous attendiez que la période poétique allait s’achever avec la période de la pensée : non, il n’en sera pas ainsi ; nous avons trouvé un autre procédé pour vous déconcerter, pour vous procurer le plaisir de l’imprévu ; nous finissons la pensée avant le vers, c’est là la victoire. Je reconnais bien ici tous les défauts de Claudien, le grand prometteur, l’homme qui commence une invective contre Rufin par invoquer le ciel et la terre ; je retrouve bien ici cette enflure, cette manie d’érudition, cette exagération de la forme, ce scepticisme caché qui se réveille tout à coup par la prétention de juger et d’absoudre ces dieux de la justice desquels on n’était pas bien sûr. Tous les défauts de Claudien et de la décadence sont là avec ce vice principal, ce scepticisme qui a éteint toute foi, et avec elle toute inspiration.

Après Claudien, je pourrais vous entretenir de ces poëtes que le souffle du paganisme anime encore, mais je ne veux pas trop prolonger le spectacle de cette agonie.

Rutilius Numatianus conserve bien quelque chaleur au fond de son cœur romain ; lui aussi honore dans Rome la maîtresse du droit aussi bien que la maîtresse des armes, et celle qui réunit l’univers sous une foi unique. Je pourrais trouver dans les écrits de ce poëte plus d’un trait qui ajouterait à la peinture de la société païenne, car jamais le paganisme n’a été plus hardi.