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noces à la grande princesse, il lui rapelle que Junon assistait à celles d’Orphée, et il espère bien que la maîtresse de la terre ne se laissera pas vaincre en générosité par la reine du ciel.[1]. C’est en ces termes qu’il traitait une chrétienne coupable, à ses yeux, d’avoir fait brûler les livres de la Sibylle, ce que les païens ne lui pardonnèrent jamais, et d’être allée dans le temple de Cérès enlever à la déesse son collier en repoussant du pied la vieille vestale qui lui reprochait son sacrilége.

Ainsi tout le paganisme du poëte n’est pas capable de lui arracher une parole de malveillance contre les ennemis de son culte, et il les couvre d’un généreux pardon. Ce penchant au panégyrique était un indice de l’abaissement des mœurs ; il y a plus : non-seulement ce genre enlève au poëte toute sa dignité morale, mais aucun n’est plus contraire à la poésie. Le panégyriste, en effet, n’est pas libre de prendre, pour objet de ses chants, ce qui est véritablement grand, héroïque : il doit tout louer, tout célébrer, tout immortaliser ; il doit prendre le héros à sa naissance, le suivre, encore enfant, dans les jeux de son âge, et si Honorius n’est pas allé combattre en personne à la tête de ses armées, Claudien trouvera des raisons pour expliquer ce repos, et déclarera que cet enfant de neuf ans était enseveli dans les études philosophiques au moment où on al-

  1. Sic quod Threicio Juno placabilis Orphei,
    Hoc poteris votis esse, Serena, meis.
    Illius exspectant famulantia sidera nutum,
    Sub pedibus regitur terra fretumque tuis,