connais le paganisme inspiré lorsqu’il était soutenu d’une sorte de croyance, quand Homère représentait son Jupiter, et ce sourcil dont un mouvement fait trembler le monde, avec une vérité si profonde et si religieuse, qu’on croit voir le poëte tout effrayé lui-même de la grande image qu’il vient de tracer. Virgile a, lui aussi, quoique à un moindre degré, retrouvé quelque chose de l’inspiration païenne, lorsqu’il nous fait assister à la fondation de la destinée romaine et à ce conseil des dieux où il s’agissait de décider que la pierre du Capitole ne s’ébranlerait jamais. Quant à Claudien, malheureusement il ne croit plus guère à ces dieux ; il en fait comme autant d’acteurs venant débiter des harangues d’école ; Jupiter, Pluton, Vénus, ne paraissent guère que pour s’occuper d’un lieu commun de gloire, de pardon, d’adieu, de désespoir. C’est bien pire encore lorsqu’il en dispose comme autant d’esclaves qu’il attache à la suite de ses protecteurs, qu’il fait marcher derrière le char de Stilicon, ou qu’il lance à la poursuite de ses ennemis, de Rufin, par exemple ; alors se montre et se trahit toute la bassesse, toute la servilité de cette société païenne dont nous avons déjà entrevu les désordres. Comme tous ces sénateurs de Rome, dont il est l’ami, après avoir fait des vœux secrets pour le triomphe d’Arbogaste et d’Eugène, il les désavoue alors que ces deux hommes sont vaincus, que l’un d’eux est mort sur le champ de bataille et que l’autre s’est percé de son épée comme autrefois Brutus à Philippes ; dès ce moment Claudien n’a plus pour eux que des insultes
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