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vers des noms des Fabricius, des Décius, des Scipion, non pas comme de vains mots destinés à grossir l’échafaudage d’une vaine poésie, mais comme autant de pensées vivantes qui lui rendent, pour quelques moments du moins, l’antiquité évanouie. La véritable divinité de Claudien, ce n’est pas Jupiter, auquel il ne croit qu’à demi, ce n’est pas Cérés, ce n’est pas Proserpine ; c’est Rome, lorsqu’il la représente telle qu’elle était représentée sur les monuments, telle qu’on la voyait sur les places publiques, dans les temples qui lui étaient dédiés, jusque dans les cités de l’Asie, «  s’élançant sur un char que la Terreur et l’Impétuosité, ses deux écuyers, suivent de toute la force d’une course haletante, la tête armée du casque, l’épaule nue, tenant à la main l’épée victorieuse qu’elle balance tantôt contre les Parthes, tantôt contre les Germains… » Voilà la divinité qu’il rêve et dont il ne peut se lasser d’admirer la sévère beauté.

D’autres fois, laissant de côté un vain luxe mythologique, il saisissait la pensée même de Rome dans ses conquêtes et ses lois, et l’exprimait avec une rigueur qui aurait honoré un historien ou un jurisconsulte. « C’est la mère des armes et des lois ; c’est elle qui étendit son empire sur le monde et qui donna au droit son premier berceau… C’est elle qui seule reçut des vaincus dans son sein, qui consola le genre humain en lui donnant le même nom, qui le traita, non pas en reine, mais en mère, qui nomma citoyens ceux qu’elle avait conquis, et noua d’une chaîne d’amour