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Cependant tout ici n’est pas illusion, et je me persuade que dans ces erreurs, que dans ces oublis de Claudien, il y a beaucoup d’art et de politique. Je parlais, il y a un instant, de cette société païenne qui l’avait accueilli avec transport à son arrivée, qui l’avait entouré de ses faveurs, qui trouvait en lui son poëte favori et le plus goûté ; eh bien ! la politique de cette société, de ces familles sénatoriales, était depuis quelque temps, comme le rhéteur Salluste le disait à Julien, de traiter le christianisme de mode passagère d’engouement des esprits, qui devait bientôt se dissiper et laisser revenir à l’antique religion des aïeux. Chose étonnante ! ces chrétiens, pour lesquels on n’avait pas assez de menace, d’arènes, de bourreaux, de lions ; ces chrétiens qu’on accusait de conjurer contre l’État, de vouloir faire crouler l’Empire, les païens, naguère si effrayés, plus calmes aujourd’hui, se bornent à ne jamais les nommer, à les supposer absents de l’univers et nuls en présence de la postérité. Aussi Claudien passe au milieu de toutes les gloires chrétiennes de ce siècle sans s’en apercevoir, ignorant saint Augustin, saint Ambroise qui ne l’ignorent pas, qui lui font même l’honneur de le citer. Il ne s’est jamais permis d’attaques violentes, directes, contre le christianisme, si ce n’est une fois, dans sa vie privée, où il se laissa arracher une épigramme contre Jacobus, préfet des soldats, qui avait osé désapprouver ses vers. Le crime était grand ! Il le poursuit de ses sarcasmes, et voici en quels termes :