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ses auditeurs ; les esclaves, ce sont les moins esclaves de tous, ce sont même les plus heureux : ils ne connaissent pas ce maître impitoyable qu’on appelle la faim, le plus odieux de tous les tyrans. Est-il rien de plus doux que cette condition où l’on dort sur ses deux oreilles, abandonnant au maître le soin de pourvoir à sa nourriture ?…… C’est ainsi que les passions et l’égoïsme ont raisonné à toutes les époques et pour les esclaves de toutes les couleurs.

Si telles étaient les opinions des philosophes, que pouvait être la doctrine des jurisconsultes, obligés de s’inspirer des idées et des faits ? L’antique loi romaine, il est vrai, punissait de mort celui qui avait tué le bœuf de labour ; mais lorsque Q. Flaminius, sénateur, pour consoler un enfant de mauvaise vie qui l’accompagnait et qui regrettait de n’avoir jamais vu tuer, coupe la tête à un de ses esclaves, la loi romaine est muette et n’a pas de punition pour un tel forfait. Les jurisconsultes avaient établi une peine pécuniaire contre celui qui tuait son esclave[1]. Mais ils s’étaient hâtés de se faire pardonner cette faiblesse. Ce qu’ils accordaient à l’esclavage, ils le reprenaient à la liberté, et ce ne fut pas trop des lois Ælia-Sentia, Junia-Norbana et Furia-Caninia, qui restreignaient le nombre des affranchissements, qui fermaient aux affranchis la cité romaine, pour calmer les terreurs de ces hommes graves qui croyaient à la ruine de la république, parce que, aux

  1. Libanius, Orat. XXXI, de Servitute.